Fantômes anglais

Publié le par Agnès Séverin

Actu roman     

                   

 
Nos amis Anglais aiment le pudding et les fantômes. C’est une française (spécialiste des fantômes, assurent très sérieusement les éditions du Seuil en quatrième de couverture) qui vient le rappeler avec une touche british à s’y méprendre.

 A cette atmosphère d’outre-Manche, il ne manque ni pluie, ni brouillard. Ni ces délicieuses petites habitudes des bourgades anglaises où les langues vont bon train et les regards en coin sont parfois de ceux qui tuent. Il y a de la menace dans l’air où flotte aussi cet irrésistible grain de folie. 

 

Dans le treizième livre de Sylvie Doizelet, une scientifique impliquée dans la défense de l’environnement et fraîchement débarquée des Etats-Unis se retrouve parachutée au milieu d’un groupe de villageois doux dingues qui ont toutes les apparences des vieilles personnes bien sous tout rapport. « Comme une grande famille, mais une famille de laissés-pour-compte ».

 

Un air de fin du monde

 

C’est un bout du monde où flotte une impression de fin du monde. L’un a l’obsession des ondes radios. « Nous nous entourons, nous entourons la terre de cette épaisse couche électronique qui nous étouffe, nous asphyxie et va nous couper du reste de l’univers. De nos amis des confins, quels qu’ils soient » (ce sont eux, ces spectres à la fois intriguants et doucement inquiétants, qui jouent le rôle titre de ce roman au goût des marges). 

 

Un autre de ces héros vaporeux regarde le relief de la côte s’effriter et les terres s’enfoncer sous les eaux. La douce Henrietta organise des « ghost tours » (circuit touristique des fantômes). Quant au mystérieux G.M., il a commis un opus sur le thème Comment vivre avec un maniaco-dépressif. Il se demande maintenant s’il ne pourrait pas aussi écrire un « Comment vivre avec… » un susceptible, un jaloux, un cachottier, un menteur, un boulimique ou un fumeur…

 

Au bord du canal et des bassins de décantation, les habitants de cette bourgade, trouble et grise comme la campagne anglaise en hiver, ont tout le temps, encore, de se demander si les John ne cachent pas des êtres infiniment complexes sous l’apparente simplicité de leur prénom. La nouvelle venue est poursuivie, elle, par la poétesse qui aurait jadis habité son cottage.

 

 

Ces excentriques tutoient l’invisible et valsent avec l’impalpable. Ils savent aussi magnifiquement se moquer du monde. Car ne me dites pas que vous avez cru à cette histoire de fantômes !?

 

 

  • Nos amis des confins de Sylvie Doizelet

Seuil, 137 pages, 15 euros

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