Haïku, la poésie en minuscules

Publié le par Agnès Séverin

Anthologie


 

 

 Les haïkus sont les plus petits poèmes du monde. Les bêtes à bon dieu de la poésie. L’Anthologie du poème court japonais constituée en 2002 par Isabelle Atlan et Zéno Bianu est une bonne introduction à ce genre porte-bonheur, parfait pour les gens pressés.

 La sélection, qui court des premiers textes à l’époque Tokugawa (XVIIème siècle) au renouveau du genre après la catastrophe nucléaire, offre un bon éventail des différentes tonalités dans lesquels se décline le genre : de la conscience grave de la fuite des choses à l’enthousiasme le plus exalté. 
Classés par saisons, les poèmes sont aussi rangés de manière thématique, avec des catégories consacrées aux papillons, aux magnolias, à la lumière de la lune ou à la couleur du vent… et aussi aux banquiers, comparés dans un haïku récent à des calamars miroitant dans la lumière du matin : il ne leur manquait plus que ça…


Délices au-dessus des abysses

 

Ode au réel et au vivant le plus infime, hommage à l’harmonie impossible et l’unité perdue, le haïku arrête le temps. Tour à tour, ces poètes vagabonds capturent les étoiles, plongent dans les eaux noires de la tristesse ou épinglent les couleurs de l’espoir. Ils bousculent les règnes et tiennent les éléments en respect. Les haïkistes sont des maîtres de ces jeux de correspondances institués en credo par Baudelaire qui mêlent les sens et troublent la perceptions : ils donnent corps à l’impalpable, rendent évanescente la matière brute. Ils retiennent dans leurs filets les plus ineffables sensations ; fragments de beauté radieuse et fragile, soumis à la règle impitoyable de l’éphémère ; délices au-dessus des abysses.

    

La poésie réduite à sa plus simple expression

 

Déchirés par la mélancolie mais vibrants de sensualité, ces petits bijoux délicats témoignent d’un art étonnant du contraste et de la condensation, d’un sens aigu de la dramaturgie. L’héritage du shintoïsme animiste a laissé des traces dans ses lignes sous la forme d’un anthropomorphisme marqué. Mais la contrainte des 5-7-5 syllabes offre un cadre pour tenir la bride au lyrisme folâtre.

La poésie réduite à sa plus simple expression les mène toujours au bord du silence. Changements de perspectives et de proportions les font balancer sans cesse entre le sublime et le grotesque comme une fleur sur sa tige. Entre le dérisoire et le sacré. Le rire et les larmes. Le fugace et l’éternité. La solitude et l’universel.

 


     Anthologie du poème court japonais

 de Corinne Atlan et Zéno Bianu
 Poésie/Gallimard, 236 pages, catégorie 2

 

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